30.8.20

Récit de Randonnée | La Randonnée des Cinq Cols


Le Bonheur ne se trouve pas au Sommet de la Montagne, mais dans la façon de la Gravir ♥
Il y a quatre ans déjà, accompagnés d'un petit groupe de merveilleuses personnes devenus bien plus que des amis, Prince et moi avons vécu la plus intense et la plus incroyable aventure de notre histoire. Voici donc, écrit avec amour et passion, le récit de la plus belle randonnée de ma vie !
Bonne lecture - et attention : c'est long !!!

Mardi 30 Août - Col de la Ponsonnière et Col des Cerces
Ce matin-là, près d'un an après nos premières randonnées ensemble, Annie, Sybille, Philippe, Dominique, Paulo et moi nous retrouvions avec joie, autour de mon petit déjeuner d'anniversaire. Aux alentours de 9h, nous entamions la préparation de nos montures - notre entrain et notre bonne humeur trahissaient notre enthousiasme ! Même Prinçou avait l'air en grande forme et remuait au pansage... bon d'accord, c'est en fait le pique nique, dans les sacoches, qui l'intéressait !
Holy et Indiana, presque prêts... mais pas tout à fait réveillés !
Vite Prinçou, prends des forces !
Première randonnée sans mors pour nous !
Vers 10h, nous prenions le départ, et quelques instants plus tard, nous traversions la route départementale et nous engagions sur le chemin de l'Alp' du Lauzet : l'aventure commençait !

Au départ, on n'entendait personne : nous nous laissions bercer par le pas des chevaux, je finissais ma nuit, sur mon poney. En traversant l'alpage, nous nous nourrissions des paysages déjà magnifiques.
L'Alp' du Lauzet
Après l'Alp', nous avons gravi un pierrier que j'appréhendais un peu, mais qui n'était finalement pas si difficile ! En équilibre sur nos étriers, nous laissions nos montures nous porter vers les sommets.
J'étais déjà montée au Grand Lac et à la Ponsonnière, il y a longtemps, mais je redécouvrais ces paysages grandioses avec plaisir. Et les chevaux grimpaient, en pleine forme !
Bientôt, une petite crête s'est dessinée devant nous, et en arrivant à son sommet, nous avons découvert, émerveillés, le Grand Lac, en contre-bas. Nous avons mis pied à terre et nous sommes arrêtés quelques minutes pour l'admirer : il est tout simplement sublime.


A peine remontés en selle et remis en route, mouvement de panique ! Nous avons été confrontés à... des ânes ! Aucun cheval n'a voulu braver cet immense danger (Jaïro s'est même cabré !), si bien que je suis descendue pour passer. Courageux, nos bestiaux, mais pas téméraires !
Une vingtaine de minutes plus tard, c'était au tour du Lac de la Ponsonnière d'apparaître sous nos yeux ; plus petit, plus discret, mais très joli ! Nous y avons fait une petite pause pour que les chevaux s'y abreuvent, avant de gravir le tout premier col de notre expédition : celui de la Ponsonnière.
Oui Paulo, merci, on l'a vu le précipice :p

Nous avions fait le plus difficile, et le sommet du col n'était plus très loin, mais quelques mètres avant d'y parvenir, nous avons traversé un passage un peu délicat : un sentier étroit et en dévers, dans un pierrier de tous petits cailloux ; juste devant moi, Paulo est passé sans hésiter, mais je ne suis pas si téméraire : j'ai préféré mettre pied à terre !
Depuis le Col, à 2613m d'altitude, la vue est impressionnante, et la descente de l'autre côté s'annonce un peu vertigineuse - à partir de là, je plongeais dans l'inconnu. Mais, à pieds, les chevaux ont été irréprochables, et nous n'avions qu'à regarder où nous mettions nos propres pieds - et tout s'est bien passé !
Nous avons pu nous remettre en selle, et faire quelques dizaines de mètres à cheval avant d'atteindre le fameux lac des Cerces, où nous nous sommes arrêtés pour déjeuner. L'endroit est magnifique : le lac, les sommets, les rochers, les alpages... tout est merveilleux. Et le pique nique est copieux: un tel repas, là, à 2410m d'altitude, c'est carrément le grand luxe ! Comme il n'y avait pas un seul arbre, nous tenions (vaguement) nos chevaux - ou au moins, nous les surveillions.
Après le déjeuner, petite sieste syndicale (et pause photo !), et doucement, nous avons remis un coup de brosse et ré harnaché nos montures, qui seraient bien restées brouter un peu plus longtemps.
Ça va Anny, c'est as trop dur ? :p
Et nous voilà repartis, cette fois, à l'assaut du Col des Cerces. Encore une fois, le chemin grimpait bien, mais les chevaux sont braves et ne se sont pas laissés impressionner. Et le Col des Cerces, du haut de ses 2574m d'altitude, fut bientôt gravi !
Au revoir le lac des Cerces !
Nous entamions alors la longue et laborieuse traversée des Rochilles, vers le Refuge de Laval, et, beaucoup plus bas, la si jolie vallée de la Clarée. Nous avons alors, tout l'après-midi, alterné entre traversée en pente douce, à cheval, et franchissement de passages délicats, raides et rocailleux, où nous étions bien-sûr obligés de passer à pied, doucement.
Plus que jamais, nos compagnons quadrupèdes nous ont impressionnés. Non seulement ils passaient partout avec une étonnante aisance, mais en plus, ils faisaient preuve d'un tel respect vis à vis de nous, qu'il nous suffisait de nous concentrer sur nos propres pas - et ils nous suivaient ! De tout ce que nous partageons avec notre cheval pendant ce genre de randonnées, ce sont de loin les moments que je préfère. La connexion, la complicité qui nous lie à cet instant est extraordinaire - si je trébuche, Prince s'arrête, si j'hésite, il attend patiemment, me laisse trouver mon chemin, et parfois même, il sait me l'indiquer, du bout des oreilles. Il est concentré sur moi en permanence, et moi sur lui ; nous nous adaptions l'un à l'autre pour trouver le meilleur rythme, le meilleur endroit où passer, et dans les passages les plus vertigineux, je lui parle et puise mon courage dans son attitude toujours si sereine.
"T'inquiète, ça passe !" semblent me dire ses yeux - et je ne peux qu'admirer l'aisance de ce petit 4x4 sur pattes.
Depuis le refuge de Laval, où nous avons fait l'animation au milieu d'un groupe de marcheurs, nous avons pu parcourir à cheval une distance relativement longue jusqu'au fond de Vallée, et Prince était étrangement très en forme ! Il trottait sans arrêt, et s'impatientait lorsqu'on n'est pas en tête.
Les paysages étaient bien différents de ce que nous avions déjà traversés. L'herbe était verte, il y avait beaucoup de mélèzes, et l'eau si claire de la belle Clarée, large et peu profonde, semblait descendre à nos côtés vers Névache.
 Au milieu de cette vallée paradisiaque, nous nous retrouvons soudain face à une foule et une effervescence improbables : il s'agit du tournage de la série policière Alex Hugo ! Le staff nous a d'ailleurs imposé un arrêt le temps d'une prise ou deux (ils avaient sans doute peur que l'on vole la vedette !), puis nous sommes repartis.
Nous avons traversé la rivière, puis le grand parking du fond de vallée, où les chevaux sont passé entre les câbles, les tonnelles et les caravanes sans broncher. Nous avons marché un petit moment sur la route, puis sommes repassés du bon côté de la Clarée pour rejoindre les sentiers.
Tout le monde, je crois, commençais à fatiguer, et on n'entendait de nouveau plus personne. J'avais mal partout ; Sybille et moi fermions la marche, et la moindre foulée de trot pour rejoindre les copains était une véritable torture !
Nous avons à nouveau mis pied à terre pour une dernière grosse descente, et sommes, enfin, arrivés à Névache. Il nous fallait encore traverser la longue commune, par la route, et le bitume semblait reposer les chevaux, qui évitaient même les bords en terre.
Nous sommes finalement arrivés à destination aux alentours de 19h30 (en retard, donc), au Gîte les Mélézets, où Emilie, Mathieu et leurs filles nous ont réservé un accueil royal !
Nos sacs nous attendaient aussi, apportés par Hélène dans l'après-midi, ainsi que les fils et piquets avec lesquels nous avons fait le parc des chevaux pour la nuit. Et puis nous nous sommes installés dans des chambres plus que confortables, nous avons partagé un dîné copieux et délicieux pendant lequel les surprises pour mon anniversaire se sont multipliées (merci !!!), et nous avons passé une nuit parfaite (et bien méritée, qu'on se le dise !).
Bonne nuit !

Mercredi 31 Août - Col du Vallon

Je me suis réveillée tôt ce matin, et trépignais d'impatience à l'idée de repartir ; mais j'ai pensé à juste titre que je serai peut-être contente, plus tard dans la journée, d'être restée au lit, et j'ai attendu d'entendre Paulo se lever pour sauter hors de mon lit et courir au pré des chevaux. Après avoir pris un bon petit déjeuner, rassemblé nos affaires et démonté le parc, nous avons préparé nos montures, chargé les sacoches, et nous voilà repartis pour un second chapitre d'aventure !
Nous partions en direction de la Vallée Étroite, par le redoutable (mais nous ne le savions pas encore) Col du Vallon ; la journée s'annonçait plus dure, mais moins longue que la veille. Dès le départ, Prinçou débordait d'énergie et a pris, de lui-même, la tête du groupe. Nous avons de nouveau traversé Névache, et je ne pouvais m'empêcher de m'extasier devant les oreilles toastées de mon poney traversant courageusement (mais pas trop) les ruelles de ce charmant village. Très vite, le gros Jaïro s'est proposé de passer devant, et Prince s'est quand même calé derrière lui avec joie ! Quelques minutes après le départ, nous avions quitté la route pour nous engager sur le GR 57A, déjà très raide.
Dès le début, nous imposions donc à nos chevaux un effort impressionnants, et malgré leur infinie bravoure, ils faisaient preuve de moins d'énergie que la veille. L'ascension du col fut longue et difficile, pour eux comme pour nous, alternant côtes raides et faux plats. En montée, je sentais mon Prince souffler, et peiner, mais à chaque fois qu'il le pouvait, il profitait des terrains presque plats pour trottiner, et j'étais ravie de constater son étonnant enthousiasme.
Nous avons fait plusieurs petites pauses, et mis pied à terre à deux reprises pour soulager nos montures dans les passages les plus difficiles. Pour ne pas le gêner, je lâchais parfois Prinçou, marchant à mon rythme et lui laissant trouver le sien. Sous un ciel de plus en plus menaçant, nous avons préféré repousser la pause déjeuner et franchir le Col avant l'arrivée de la pluie.
La dernière côte fut évidemment la pire. Pour la première (et la dernière) fois, j'avoue m'être demandée ce que je faisais là !Mais encore une fois, il me suffisait de regarder mon Prince, si calme et plein d'assurance (et le sourire moqueur de Paulo, déjà en haut !) pour trouver le courage qui me manquait, et continuer, en soufflant comme une tortue asthmatique, à monter.
Et nous voilà, plus de 1000m de dénivelé plus tard, au sommet du plus difficile des cols de notre aventure : le Col du Vallon - altitude, 2645m.
Hé Njut, t'aurais pu attendre ta cavalière quand même !
Le plus difficile et le plus marquant des 5 Cols - Inoubliable !!

Les nuages masquaient un peu la vue, mais rendaient les paysages encore plus impressionnants. D'un côté, nous devinions la vallée de la Clarée, que nous avions quittée au matin, et le long vallon que nous venions de traverser ; de l'autre, un pierrier immnse, des cailloux à perte de vue, et tout en bas, des alpages.
Une question me vint alors : par où allions nous descendre ? "Par là !" - Paulo désignait le pierrier en souriant. Effectivement, un vague chemin se dessinait dans les rochers, menant aux alpages où nous pourrions déjeuner.
Alors, nous avons entamé cette descente aventureuse, à pieds bien-sûr. Prince et moi fermions la marche, et mon gros poney, que j'avais lâché pour descendre plus facilement, prenait son temps. A l'écoute et toujours très respectueux, il me suivait en regardant bien où il posait les pieds, et descendait avec la même agilité que la veille.
Parfois, il s’arrêtait pour grappiller un peu de verdure - j'ai d'ailleurs été étonnée de constater que des fleurs pouvaient pousser dans  un environnement pareil. Mais le plus souvent, il s'arrêtait simplement pour regarder autour de lui, comme s'il contemplait les paysages, curieux, lui aussi, de découvrir ces contrées nouvelles, de l'autre côté de nos montagnes.
Tout à coup, alors que je le regardais, j'ai entendu des rochers rouler, comme si un cheval venait de dégringoler le pierrier. Je me suis retournée, horrifiée, mais tout le monde était bien là et sur pattes ; Paulo, en tête, grattait les pierres et faisait tomber les moins stables, pour dégager un chemin plus ou moins praticable - rassurant, n'est-ce pas ? Doucement mais sûrement, les chevaux nous ont suivi et on franchi, un par un, ce passage délicat ; et nous avons continué à descendre.

Le reste du groupe marchait décidément plus vite que nous, alors j'ai repris les rênes de Prinçou pour rattraper notre retard. Et puis soudain, en descendant, j'ai remarqué une silhouette noire, à quelques dizaines de mètres devant Paulo - une silhouette de lama.
C'était si improbable que je n'y ai d'abord pas cru, mais c'était bien un lama ! Un lama dans la montagne !!! Grand, immense même, et tout noir, il nous regardait, sans doute étonné de croiser des chevaux ici. Il montait vers le col, mais notre présence l'a effrayé, alors il a rebroussé chemin en gardant ses distances, mais en s'arrêtant régulièrement, comme pour nous attendre.
Les chevaux, intrigués, ont accéléré le pas, et nous avons rapidement atteint le pied de cet impressionnant pierrier. Là, le lama a détalé vers l'autre bout de l'alpage, et nous nous sommes (enfin) arrêtés pour déjeuner. A cette altitude, toujours pas d'arbre pour attacher les chevaux, alors nous avons à nouveau pique niqué en les surveillant, et, comme la veille, ils ont été sages.
Voyant le ciel s'assombrir, nous ne nous sommes pas éternisés - après avoir dévoré notre repas, nous avons redonné un petit coup de brosse à nos montures, les avons re-sellées, et sommes repartis.
Qu'est-ce qu'il y a Prinçou, ça sent le lama ?!
Comparé à ce que nous avions fait jusque là, le reste de la descente vers la Vallée Étroite nous parut presque reposant.Certains passages un peu raides nous demandaient de marcher à pieds, mais globalement, nous n'avions plus de difficultés à franchir. Bientôt, nous apercevions le petit hameau "franco-italien" (la situation de la Vallée Étroite sur ce plan là est compliquée) où nous passerions la nuit, et une petite route en terre nous y emmena.
Comme nous l'espérions, nous sommes arrivés avant la pluie, mais Suna, qui devait nous rejoindre avec nos affaire et le matériel pour faire le parc des chevaux, n'était pas encore là ; nous commencions à sentir les premières gouttes quand elle est arrivée, et finalement, les hommes et elle ont juste eu le temps de faire le parc (Anny, Sybille et moi nous sommes défilées :), et nous étions à peine installés à l'abri quand il a commencé à pleuvoir pour de bon.
Le Refuge Terzo Alpini était bien différent du gîte de Névache, mais malgré le petit manque de confort, nous avons été bien accueillis, et avons particulièrement bien mangé ! Cette seconde étape fut plus courte, mais aussi dure, sinon plus, que la première, et nous avions besoin de reprendre des forces pour la troisième et dernière journée de notre périple.


Jeudi 1er Septembre - Col des Thures et Col de Buffère

Au matin du troisième jour, le réveil a sonné plus tôt - nous avions une longue journée devant nous.
Après un bon petit déjeuner, nous avons rattaché les chevaux à leur arbre, et avons démonté leur parc pour que Suna puisse reprendre la route du Lauzet, puis nous avons pris le temps de panser et harnacher nos vaillantes montures et de remplir les sacoches, avant de se remettre en selle.
Le chemin du Col des Thures partait directement du Refuge, et comme tous les matins, Prince, débordant d'énergie, a pris de lui-même la tête du groupe.
Ce chemin est tout simplement magnifique. Il serpente dans la forêt, et de temps en temps, entre deux grands arbres, nous voyions la Vallée Étroite s'éloigner, à mesure que nous prenions de l'altitude. Et les grands sommets, eux aussi, pointaient le bout de leurs cimes entre les conifères : le Mont Thabor, le Chaînon des Rois Mages... la vue était merveilleuse.
Le sentier est un peu raide, et ponctué de racines et de pierres qui demandent aux chevaux prudence et agilité - mais nous avions arrêté, depuis longtemps, de nous inquiéter pour eux. Et mon petit poney grimpait, suivi de près par ses compagnons, pendant que j'admirais, sans voix, les paysages qui s'offraient à moi.
Juste avant de sortir des bois, un passage un peu délicat m'a effrayée et j'ai mis pied à terre ; les autres sont restés à cheval et se sont moqués gentiment ! Nous avons quitté la forêt et sommes arrivés sur un petit plateau où nous avons accordé une pause à nos chevaux. Mais ils ne semblaient pas fatigués, et ne pensaient qu'à repartir - peut-être avaient-ils senti que nous rentrions à la maison ?
Le reste de l'ascension vers ce quatrième col se fit, comme toujours, dans la bonne humeur, au son du pipot de Dominique et de nos voix enjouées ! En nous écoutant chanter, Paulo ne disait rien, mais son regard trahissait son désespoir ! Nous avancions côte à côte, en troupeau, deux par deux... nous nous croisions, et laissions nos chevaux choisir leur chemin et leur allure.
Et au détour d'une colline, un immense alpage s'étendit devant nous - ni rochers ni arbres, seulement une étendue gigantesque d'herbe qui commençait, en cette fin d'été, à jaunir - et au centre, un joli petit lac.
Les chevaux s'y sont précipités pour boire, et certains semblaient même tentés d'aller y nager un peu - nous les en avons empêchés, et avons repris notre chemin. Le paysage était encore et toujours si beau, et si différent de ceux que nous avions déjà traversés, que nous ne pouvions nous empêcher de regarder à droite, à gauche, et tout autour de nous, en espérant emmagasiner un peu de cette beauté dans un coin de nos têtes.
L'espace et le long chemin qui s'étendaient devant Prinçou l'inspiraient : ses mignonnes petites oreilles étaient pointées en avant, ses yeux grand ouverts trahissaient sa curiosité, et il marchait d'un pas décidé, et il fut bientôt à nouveau en tête de file. J'étais, encore une fois, ravie de son enthousiasme ! Une cabane de berger se dessinait au loin, et nous apercevions bientôt des ânes, en liberté - quatre gigantesque oreilles étaient pointées dans notre direction.
Les chevaux les ont repérés rapidement, et Prince a accéléré la cadence, si bien qu'il a distancé Cielo et le reste du groupe - chouette, se disait-il sûrement, des nouveaux copains ! Mais en approchant de ces inconnus, mon petit poney s'est vite découragé et a ralenti ; le groupe nous a rattrapé et les petits ânes gris sont venus à notre rencontre, tendant les naseaux vers nos chevaux. Tous auraient aimé faire connaissance, mais comme ils étaient en liberté, nous avons continué à marcher pour éviter les éventuelles disputes. Nous quittions alors doucement le Col des Thures ; et bientôt, nous redescendrions vers la vallée de la Clarée.
Le début de cette descente était raide, et rocailleux - nous avons donc mis pied à terre, et nous nous sommes engagés sur le chemin dont les lacets nous ont doucement menés vers Névache.
Sans même que nous ne les tenions, les chevaux nous suivaient sagement et dans le calme. Pour reposer nos pattes mises à l'épreuve par la descente, nous avons fait une courte pause au pied d'une étrange merveille de la nature : une demoiselle coiffée. Je ne cessais d'admirer les paysages, les fleurs, les arbres aux formes incongrues... un rien m'émerveille, et cette aventure à travers les montagnes était un véritable voyage pour la randonneuse novice que je suis.
Toujours à pieds, nous avons finalement atteint la vallée que nous avions quitté la veille, et le petit sentier devint alors une large route en terre, droite, et presque plate. Nous avons pu nous remettre en selle et avons marché jusqu'à Névache. Prince montrait toujours un enthousiasme fou, et il a repris rapidement, sans que je ne le lui demande,  la tête de l'expédition - jusqu'à ce qu'une malheureuse petite grille à l'entrée du village le fasse hésiter, et qu'il laisse le valeureux Jaïro passer devant !
Nous avons, une fois encore, traversé Névache, puis coupé à travers champs pour rejoindre la rivière. Nous y avons fait boire les chevaux, & Prince a pris un grand plaisir à patauger et taper dans l'eau un peu profonde, éclaboussant tout le monde !
Nous avons traversé, et nous sommes engagés sur les sentiers de randonnée qui la longent. A un croisement, nous avons quitté le GR et emprunté un tout petit chemin de pêcheur, où il nous a fallu descendre de cheval pour éviter les marécages et traverser buissons et broussailles. Nous avons finalement retrouvé le sentier par lequel nous étions arrivés à Névache le premier soir.
Après de longs gargouillis plaintifs de mon estomac, et quand mes forces ont commencé à m'abandonner (au moins !), nous nous sommes enfin arrêtés, près de l'eau, pour déjeuner.
Nous étions un peu en avance par rapport à nos prévisions, et il faisait un temps magnifique : nous n'étions donc pas pressés, et avons pu faire une pause longue et reposante, jouer dans l'eau, écrire, dormir... Les chevaux en ont profité aussi, et ont eu le droit aux pommes que nous n'avions pas mangées. A l'heure de repartir, Prince faisait tranquillement la sieste près d'un arbre, comme s'il y était attaché, et n'a pas bougé d'un poil pendant que je brossais et sellais.
Et nous avons repris notre chemin et commencé l'ascension du cinquième et dernier Col de l'aventure : le Col de Buffère.
Les vingt premières minutes furent les plus difficiles : le chemin est raide, et monte rapidement, en lacets, dans la forêt ; puis il débouche sur une petite clairière où nous avons laissé les chevaux souffler. Mais, vite remis de cet effort, et certainement impatients de rentrer, ils refusaient toujours de s'arrêter et ne pensaient toujours qu'à se remettre en marche !
Nous sommes passés devant le Refuge de Buffère, qui est très joli, et entouré de paysages extraordinaires ; et au milieu de ce décor exceptionnel, notre ascension continuait, toujours au soleil et dans la bonne humeur.
Au dessus du Refuge, le sentier continue presque tout droit, et monte en pente douce ; nous marchions, les uns derrière les autres, et bavardions - et mes yeux émerveillés se promenaient tout autour de nous, dans les alpages et sur les sommets.
Le Col de Buffère se dessinait au loin. L'alpage qu'il nous fallait encore traverser pour l'atteindre ressemblait à une immense cuvete, au milieu de laquelle coule un ruisseau. Notre chemin longeait cette belle étendue, et continuait à monter doucement. Nous avons fait une petite pause, et Njut, visiblement lassée de cette longue marche... s'est couchée ! Peut-être a-t-elle pensé que nous avions besoin d'un petit fourire avant de repartir ?
Au bout de ce long chemin, une dernière côte, plus raide, nous a invités à mettre pied à terre. Fatigués et incapables de suivre nos copains à quatre pattes sans les gêner, nous les avons presque tous lâchés - Prince était toujours exemplaire, et je prenais un plaisir immense à marcher comme ça avec lui. Nous sommes donc arrivés au compte-goutte, sur un faux plat où nous avons marché encore quelques minutes avant d'arriver au sommet du Col. Du haut de ses 2427 mètres d'altitude, le cinquième et dernier col de l'aventure était gravi, et nous découvrions la vue sur la vallée de Serre Chevalier - notre vallée. Les chevaux se sentaient déjà chez eux - il n'était désormais plus question de les lâcher, au risque de les voir disparaître en direction du Lauzet ! Ils trépignaient.
Un peu plus de deux heures nous séparaient de la maison, et il nous faut admettre qu'à ce moment là, tout le monde était impatient d'arriver. Nous avons décidé de rentrer par le chemin du Roy plutôt que de descendre vers le Monêtier et de remonter par le fond de vallée. Nous avons donc amorcé la descente, à pieds, vers le chemin qui nous ramènerait au Lauzet.
Après une première pente un peu raide, nous avons pu nous remettre en selle, et bientôt, nous rejoignions le chemin du Roy, sur lequel nous avions déjà randonné ensemble un an plus tôt. Nous nous sommes relayés en tête de file, avons fait des pauses aux différents points d'eau, et nous marchions, doucement mais sûrement, vers chez nous.
A notre gauche, tout en bas, la vallée défilait au fur et à mesure que nous avancions, et bientôt, l'Aiguillette se dessinait, de profil, au dessus de nous, à droite.
Comme pour ajouter une dernière difficulté à notre périple, Paulo a décidé de gagner du temps en empruntant un raccourci : un petit sentier quittait en effet le chemin du Roy et descendait, en lacets un peu vertigineux, vers le Pont de l'Alp'. Après avoir râlé un peu pour exprimer notre trouille, Anny et moi avons mis pied à terre, vite imitées par les autres.

Nous approchions de l'arrivée, et les chevaux l'avaient évidemment compris. Un peu avant d'arriver au Pont de l'Alp', nous sommes remontés à cheval ; Prince m'a directement emmenée en tête, et ses petites jambes zébrées tricotaient si vite qu'il distançait le groupe. Au bord de la route, j'ai imploré sa patience pour que nous traversions tous ensemble. "Clip clop clip clop clip clop" - les vingt quatre sabots ont claqué joyeusement sur le goudron, et nous nous sommes engagés sur le dernier sentier - celui par lequel nous étions partis trois jours avant. Nous avons traversé le village, et c'est en tête, et avec un sourire jusqu'aux oreilles, que nous sommes arrivés au Ranch.

& nous étions tous si fatigués qu'aucun de nous n'a pris de photos après le sommet du Col de Buffère ! ^^

L'aventure prenait fin ! Nous étions courbaturés, heureux et émerveillés. Je venais de vivre les trois jours les plus enrichissants, les plus impressionnants et les plus beaux de toute ma vie. J'aurais voulu tout garder, tout apprendre par coeur - mais je ne crois pas que l'on puisse connaître la montagne par coeur. Chaque jour, à chaque instant, de nouveaux paysages se découvrent sous nos yeux éblouis - au détour d'un chemin, d'une forêt, d'un rocher, d'un sommet.
J'ai été émerveillée, épatée, par Prince, par les autres, par tout ce que j'ai vu, tout ce que nous avons vécu et partagé, et que je n'aurais jamais pu imaginer.
En arrivant au Ranch ce jeudi soir, nous nous sommes dit au revoir, et chacun est retourné à son quotidien - nous rêvions de bains chauds, de nos lits, et de repos. Mais dès le lendemain, et aujourd'hui encore, je ne rêve que de les retrouver, et de repartir. Nous avons marché des dizaines de kilomètres, essuyé des milliers de mètres de dénivelé, croisé une dizaine de lacs, franchi cinq cols ; nous avons ri, nous avons chanté... Menés par Paulo, et poussés par la force de nos chevaux, nous avons gravi et traversé les montagnes. Merci ♥


3 commentaires:

  1. Franchement, je n'ai pas eu le courage de tout lire mais ta randonnée (au vu du nombre très important de photos) avait vraiment l'air vraiment géniale. Et qu'elle drôle de surprise de croiser un lama dans les montagnes !

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  2. J'ai toooooout lu 😁
    Ça faisait tellement longtemps que je n'étais pas venu lire et commenter un de tes articles. Ta randonnée et inoubliable et les paysages à couper le souffle.
    Je te fais plein de gros bisous 😘😘

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  3. Coucou Valérie ! Comme je suis contente de voir ton commentaire !! Merci infiniment d'avoir pris le temps de lire tout ça ! J'espère que tu vas bien et te fais aussi d'énormes bisouilleries !! A très vite <3

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